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15 Avril 1883
Les jours se font de plus en plus beaux. Le soleil commence enfin à réapparaître derrière toute la grisaille ayant entièrement recouvert l'hiver. Peut être aurons-nous un printemps plus appréciable que les précédents ? Je l'espère en tous cas. La toux de Lewis ne s'est pas améliorée avec le froid qu'il a fait ces derniers mois. Bien qu'il se prescrive lui-même toutes sortes de choses afin de calmer les quintes qui le prennent quelquefois -de plus en plus violentes-, il semble s'affaiblir. Peut être qu'un soleil nouveau l'aidera à aller mieux ... J'ai honte rien qu'à cette pensée, qui me semble si funeste, mais je me dis qu'il n'est pas encore assez âgé pour nous quitter. Et puis, nous avons tous encore besoin de lui.
L'hiver a été ravageur, en Ecosse. A Édimbourg, en tous cas, des gens au teint plus pâle et semblant plus misérables les uns que les autres se présentent chaque jour au cabinet. Lewis les examine, mais nous savons tous deux que ce n'est pour la plupart qu'une perte de temps. Presque tous sont déjà condamnés. Nous leur donnons de quoi adoucir leurs maux, lorsque c'est encore en nos moyens. Je vois bien que cette impuissance à soigner ses patients l'affecte, mais Lewis tâche de ne pas trop le montrer. Il n'a pas envie que son fils le voit en proie au chagrin et à l'effondrement que pourraient tout à fait lui causer tous les tracas qu'il rencontre chaque jour, au contact de ses malades. Et puis, peut être a-t-il peur aussi qu'un abattement ne fasse qu'amplifier sa propre maladie ?
Malgré tout, nous continuons à vire, en essayant de nous préserver nous-mêmes de la maladie. Lewis et moi-même avons pris des mesures d'hygiène très strictes, et les avons appliquées à toute la maison. Même le personnel doit s'y plier, ce qui n'est pas sans déplaire à Mr. Smith, qui a pour habitude d'effectuer toujours un travail efficace et rapide. Mais même si nos résolutions doivent le ralentir, il devra les respecter. L'accès de fièvre d'Arthur à Noël m'a suffisamment causé de soucis pour le restant de mes jours.
Il s'en est parfaitement remis, et a même grandi, un peu. Nous lui interdisons formellement de sortir. Je n'ai pas assez confiance en la propreté de nos rues pour le laisser y gambader et s'entourer de toutes sortes de maladies. Un professeur lui dispense tous les jours -dimanche excepté- des leçons particulières sur la géographie, l'Histoire, la littérature et les mathématiques. Moi-même je lui dispense quelques leçons de sciences de temps à autres. Il apprécie beaucoup ces moments d'étude, et même après le départ de son enseignant, il reste des heures entières plongé dans l'apprentissage. Il s'est révélé être un enfant tout à fait capable, et éveillé. Il fait preuve d'une mémoire excellente, et d'une curiosité sans borne. Les animaux et les plantes l'intéressent tout particulièrement. Il peut passer des heures à admirer des images de girafes, de tigres, ou d'oiseaux exotiques. Il sera sans doute destiné à des études de médecine, comme son père et moi-même le souhaitons tant, mais nous lui laisserons tout de même une part de décision.
Hier, la voisine, Mrs Figgs, est passée au cabinet. Ses problèmes de hanches ne s'arrangent pas, et elle souffre le ..."
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